Maison Gillet à Villebarou : 4 générations de charcutiers entre tradition et circuits courts

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Maison Gillet à Villebarou : 4 générations de charcutiers entre tradition et circuits courts

Paul Gillet fait déguster ses produits dans le hall d'un supermarché

Depuis 1922, la Maison Gillet perpétue à Villebarou (41) une tradition charcutière profondément ancrée dans le territoire. Aux manettes aujourd’hui, Paul Gillet, représentant de la quatrième génération, conjugue respect des savoir-faire familiaux, circuits courts et réinvention discrète. Dans ses marmites, mijotent autant de bons produits que d’histoires de transmission, de résilience et de passion.

À Villebarou, un siècle d’histoire familiale

Tout commence il y a plus d’un siècle. En 1922, Marcel Gillet, arrière-grand-père de Paul, rachète une charcuterie à Villebarou, en Loir-et-Cher. Il y apporte son nom, son savoir-faire et une vision d’artisan du vivant. « À l’époque, les cochons sont élevés à la ferme, nourris et soignés avant d’être transformés sur place » précise Paul. La charcuterie ne se limite pas à un métier : c’est un lien entre l’éleveur, l’artisan et le village tout entier.

Paul Gillet n’a pas connu cette époque, mais il en a hérité les valeurs. « Mon arrière-grand-père faisait tout, même du vin à une époque ! Il faisait grandir les cochons chez les paysans. C’était une autre manière de travailler, mais toujours avec une logique de proximité. »

Une reprise inattendue, dans la douleur

En 2011, alors qu’il est en école de commerce à Paris, Paul voit sa trajectoire professionnelle bouleversée. Son père, Robert, tombe gravement malade. Il décède peu de temps après, emporté par un cancer. À 20 ans, Paul prend une décision radicale : il quitte ses études pour reprendre l’affaire familiale.

« Je suis passé directement de l’école de commerce au CFA de Blois. J’ai tout appris sur le terrain, mais heureusement, j’avais déjà les gestes. Quand on est fils d’artisan, on apprend dès l’enfance. Mes parents posaient même mon berceau sur la table de découpe de l’atelier », raconte-t-il en souriant.

Mais la reprise ne se fait pas sans douleur. L’entreprise a été arrêtée pendant près de 9 mois. Paul doit tout relancer : la production, les relations commerciales, l’organisation. Il est seul, ou presque. Sa mère Dominique, pilier discret de l’ombre, l’accompagne dans cette reconstruction.

Une nouvelle voie : la distribution locale en GMS

Plutôt que de relancer la boutique, Paul fait un choix audacieux : se recentrer l’activité sur une gamme courte et l’orienter vers la distribution en grande et moyenne surface, exclusivement dans le Loir-et-Cher. « Je fabrique quatre à cinq produits à l’année : boudin blanc, boudin noir, rillons de Touraine, terrines de campagne. Pas plus. Et je les livre moi-même aux Leclerc, Carrefour, Auchan, Super U, Intermarché du coin. Tout est fait maison, toutes les semaines. »

À l’atelier, chaque détail compte. Le lait utilisé pour le boudin blanc vient d’une ferme bio à quelques kilomètres, celle de la Ferme de la Guilbardière. Les oignons, les œufs, le persil, tout est local. Même les boyaux qui doivent être calibrés sont français. « Les abattoirs de Vendôme me livrent. On a toujours fonctionné comme ça. Pas besoin d’un label pour faire bien : c’est dans nos gènes. »

Le produit emblématique de la maison ? Le boudin blanc, transmis depuis quatre générations. « Avant, c’était même inscrit sur le logo : Maison Gillet, n°1 du boudin blanc. » La recette est restée la même : oignons longuement mijotés, lait entier, œufs frais, persil. Seul le conditionnement a changé. Et pour le déguster, Paul a sa technique : « Mettre à fond le grill du four, poser les boudins pour les faire bien dorer. A servir avec un gratin de pâtes parce que le boudin blanc, c’est plein de jambon. Et le jambon-pâtes, ça fait toujours une bonne association ! »

En 2024, Paul investit 14 000 euros dans une machine de mise sous vide pour répondre aux attentes des grandes surfaces. « C’était devenu indispensable pour proposer mes produits aussi en libre-service. » Mais cela demande rigueur et apprentissage : étiquetage détaillé, allergènes mis en avant, valeurs nutritionnelles… rien n’est laissé au hasard. « J’ai beaucoup appris. C’est technique, mais passionnant. » L’atelier dispose désormais d’un agrément sanitaire européen, un sésame obligatoire pour approvisionner les rayons des grandes enseignes.

Les clients, eux, sont de tous horizons : des fidèles convaincus, des curieux de passage, ou ceux qui reviennent pour les fêtes. Car l’hiver est la saison la plus intense. Le reste de l’année, Paul maintient le cap, semaine après semaine. Il fabrique en début de semaine, conditionne ensuite, et termine par les livraisons, à bord de son camion frigorifique. Une cadence bien huilée. Artisanale. Authentique. À son image.

Une entreprise artisanale… et engagée

Depuis 2014, Paul fait partie des tout premiers artisans à avoir rejoint la marque régionale © du Centre. Un choix naturel, ancré dans ses convictions.
« Quand on est petit, on est souvent seul. Grâce à © du Centre, j’ai pu participer à des salons, bénéficier de relais précieux en GMS, avoir un film d’entreprise que je n’aurais jamais pu financer seul… et recevoir des supports de communication clés en main. Pour une structure comme la mienne, c’est énorme. »

Mais pour lui, l’enjeu dépasse largement le cadre d’un label. Ce qu’il défend avant tout, c’est l’écosystème local.

« Il faut que les filières régionales tiennent bon. On a été trop loin avec les importations à tout-va. Ce n’est pas du repli sur soi, c’est juste du bon sens. Je veux que le lait, les oignons, la viande soient encore là demain, à quelques kilomètres d’ici. »

Aujourd’hui, il constate que la marque © du Centre gagne en notoriété.
« Les consommateurs commencent à la repérer. Elle devient un vrai gage de qualité et de confiance. »

Et parce qu’on n’avance jamais seul, Paul se rappelle aussi son passage au CFA de Blois avec émotion. « J’y ai rencontré de belles personnes, vraiment passionnées. » Alors que le CAP peut se faire en un an, lui l’a suivi sur deux. Car il gérait l’entreprise en même temps.

Un héritage bien vivant

Depuis quinze ans, Paul avance au rythme des fournées, des découpes, et des tournées de livraison. Seul maître à bord ou presque, épaulé d’un boucher à temps partiel, il fait tout. Et en parallèle, il s’engage pour les autres, en tant qu’élu à Blois, en charge du commerce, de l’artisanat et du tertiaire.

À Villebarou, la Maison Gillet n’est pas une entreprise comme les autres. C’est un lieu de mémoire. Un concentré de savoir-faire transmis de génération en génération. Un goût d’enfance que l’on retrouve, intact, dans chaque bouchée de boudin blanc.

« Les gens qui viennent ici, ce sont souvent des fidèles. Des inconditionnels. Ils cherchent une saveur qu’on ne trouve plus ailleurs. Tant que je pourrai, je continuerai à la leur offrir. »

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