Plongée gourmande au cœur du Berry : découvrez l’Huilerie d’Auron

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Plongée gourmande au cœur du Berry : découvrez l’Huilerie d’Auron

Au bord du canal de Berry et de la rivière de l’Auron, l’Huilerie d’Auron redonne vie à un métier ancestral. Petite huilerie artisanale spécialisée dans l’huile de noix et de noisette, elle est portée par un couple passionné, Samuel et Ondine Dion. Ici, tout parle de lien, de courage, de racines retrouvées — et d’un petit café partagé pendant que l’huile coule lentement, comme autrefois.

Un pari fou pour faire renaître une huilerie oubliée

En 2014, Samuel et Ondine Dion prennent une décision qui bouleversera leur vie : reprendre une huilerie traditionnelle presque oubliée au cœur du Berry, à Dun-sur-Auron (18).

« Une décision un peu folle, prise à 26 ans, sans fortune ni filet de sécurité », confie Ondine, mais portée par une intuition tenace : celle de faire renaître un lieu chargé d’histoire, un savoir-faire artisanal et une passion pour la production d’huile de noix et de noisette de grande qualité.

Fondée en 1860 sous le nom d’Huilerie Boussard, l’Huilerie d’Auron est l’une des plus anciennes huileries artisanales du Berry. Elle a traversé les générations, conservant ses machines ancestrales, ses odeurs de noix torréfiées, ses bruits d’ateliers, et peut-être aussi son âme. « On savait qu’il y avait quelque chose à préserver ici, un héritage silencieux, une part vivante de la tradition berrichonne. Ce lieu, c’est un peu comme une machine à remonter le temps », confie Ondine

Un atelier hors du temps devenu lieu de vie

À leur arrivée, Samuel et Ondine découvrent une bâtisse familiale figée dans le temps, au bord du canal. L’Huilerie d’Auron, fidèle à l’esprit des huileries traditionnelles, conservait son vieux matériel, son atelier hors du temps, et des murs imprégnés de mémoire.

Pour le jeune couple, il ne s’agissait pas de tout révolutionner. Les machines anciennes, les recettes, les gestes artisanaux restaient intacts. Mais l’accueil, lui, évoluait. Le magasin est repensé, le parcours client enrichi, et un petit coin café est créé pour faire revivre les rituels d’antan : s’asseoir, regarder l’huile de noix couler lentement, échanger des souvenirs au coin du pressoir.

« On a vu les gens se retrouver, échanger. On s’est dit : on tient quelque chose. Il faut préserver cette atmosphère unique, ce moment suspendu, se souvient Ondine. Ce côté convivialité a d’ailleurs été le déclencheur pour notre achat. »

Le goût des gestes anciens

Au fil des saisons, l’Huilerie d’Auron devient bien plus qu’une simple boutique : elle devient un véritable lieu de vie. Les visiteurs ne sont pas seulement des acheteurs, mais des voisins, des familles, ou encore des amateurs venus de loin, comme ces camping-caristes qui viennent tous les ans depuis la Moselle avec des kilos de noix.

Tous viennent faire presser leurs propres cerneaux de noix ou de noisette dans cette huilerie artisanale authentique. Chacun peut repartir avec son huile personnalisée, fabriquée selon un processus ancestral. Et pour ceux qui manquent de matière première, un système d’échange ou de rachat est proposé. « On pèse, on évalue, on presse. Et les gens repartent avec leur propre huile de noix, pleine de souvenirs et d’émotion », sourit Ondine.

La fabrication de l’huile artisanale à l’Huilerie d’Auron suit des étapes millimétrées, dans le respect absolu du produit et des traditions. D’abord, les noix et noisettes sont broyées lentement à la meule de pierre. Vient ensuite la torréfaction, réalisée dans un poêlon en fonte, moment clé où les arômes naturels se développent pleinement.

Enfin, la pâte est pressée à froid grâce à un système hydraulique, garantissant l’extraction d’une huile vierge de qualité supérieure, sans aucun ajout ni solvant. Il faut près de 2 kilos de cerneaux de noix, ou 2,5 kilos de noisettes, pour obtenir un seul litre de cette huile précieuse. Pour ceux qui souhaitent créer leur propre huile sur mesure, un minimum de 25 kilos est requis pour actionner les machines en exclusivité.

Produire une huile artisanale d’exception demande bien plus que du savoir-faire : tout commence dès l’arbre. Dans les vergers, les noyers doivent patienter au moins 15 ans avant de donner leurs premières récoltes de noix, un rythme lent dicté par la nature elle-même.

« Ce que beaucoup de gens ignorent, c’est la somme de travail en amont, explique Ondine. Ramasser les noix au bon moment, les faire sécher correctement, les casser, les trier avec soin… Chaque étape compte pour garantir la qualité d’une huile artisanale authentique. C’est un vrai métier, même pour les particuliers passionnés. »

Résister aux crises sans sacrifier l’authenticité

La patience ne suffit pas toujours pour protéger les savoir-faire. Depuis leur installation, Samuel et Ondine ont affronté de nombreuses crises. La crise énergétique d’abord, avec l’explosion du prix du gaz, a fortement impacté la torréfaction, une phase clé de la production. Malgré cela, ils refusent de modifier leur processus. « On aurait pu changer de méthode, mais le goût en dépendait. Ce n’était pas négociable », affirme Ondine.

Puis est venue la crise des emballages, amplifiée par le conflit en Ukraine. Avec des chaînes d’approvisionnement perturbées et une hausse fulgurante des prix du verre, ils ont dû renoncer à leur flacon de 25 centilitres, remplacé par un bidon métallique plus durable. « Cela a demandé de revoir toute notre logistique, mais nous avons tenu à préserver l’identité artisanale de nos huiles », précise Ondine.

Enfin, la nature elle-même n’a pas épargné leur production. Pluies diluviennes, gelées tardives, sécheresses prolongées : chaque année apporte son lot d’incertitudes pour l’approvisionnement en noix locales.

« Dès notre reprise en 2014, il a fallu aller chercher des fruits jusqu’en Isère ou dans le Périgord, faute de récolte dans la région », se rappelle Ondine. Aujourd’hui encore, grâce à un réseau de partenaires, l’Huilerie d’Auron sécurise ses matières premières tout en restant fidèle à sa démarche de production locale et artisanale.

Fidèle à son histoire tout en regardant vers l’avenir, l’Huilerie d’Auron n’a jamais cessé de fonctionner ni d’innover. En plus de sa production artisanale classique, Samuel et Ondine développent aujourd’hui une offre sur mesure destinée aux agriculteurs, viticulteurs et professionnels souhaitant créer leur propre huile personnalisée.

« Certains partenaires recherchent une huile très toastée, d’autres préfèrent des profils plus doux. Nous avons même expérimenté des pressées différenciées, à l’image des alambics, pour affiner les arômes », explique Samuel.

Ces collaborations artisanales sur mesure renforcent l’ancrage de l’huilerie dans la tradition du terroir local. Parmi leurs partenaires figure Cyril de Benoist, du Domaine du Nozay, qui propose à ses clients une huile exclusive élaborée à partir des noyers plantés autour de ses vignes en biodynamie. Une belle illustration du lien profond que l’Huilerie d’Auron entretient avec les terroirs locaux.

Circuits courts et fierté régionale

Les 4 huiles labellisées © du Centre
Les 4 huiles agréées © du Centre.

Agrandie et modernisée, la boutique de l’Huilerie d’Auron reflète aujourd’hui un subtil équilibre entre respect des traditions artisanales et innovation locale. Engagés dans une démarche de transparence et de valorisation du terroir, Samuel et Ondine ont rejoint le réseau © du Centre, la marque qui distingue les productions authentiques issues du cœur de la région Centre-Val de Loire.

« Pendant longtemps, nous étions simplement ambassadeurs commerçants, confie Ondine. Mais en 2023, nous avons voulu formaliser notre engagement territorial. » Avec rigueur et passion, le couple prépare son dossier, liste ses références, et démontre la traçabilité complète de ses huiles.

Le label © du Centre est finalement attribué à quatre de leurs produits phares : huile de noix artisanale, huile de noisette, colza fruitée à la noix, et la recette maison « noix douce », légèrement moins torréfiée. Une reconnaissance officielle qui consacre leur attachement au Berry et à l’artisanat local.

« Pour nous, ce label, ce n’est pas juste un autocollant sur une bouteille. C’est une manière d’affirmer que nos huiles sont le reflet sincère de notre territoire », souligne Ondine.

L’adhésion au réseau leur ouvre aussi de nouvelles perspectives : participation à des salons, synergies avec d’autres artisans passionnés, et visibilité renforcée pour leur huilerie artisanale. « C’est un réseau qui nous relie, qui nous donne du souffle. Et pour une structure comme la nôtre, c’est précieux », conclut-elle.

Car plus que jamais, Samuel et Ondine en sont convaincus : leur histoire est profondément enracinée dans leur terroir. « En choisissant le nom Huilerie d’Auron, nous avons voulu rendre hommage à une rivière, un paysage, une mémoire collective. Et porter haut les couleurs du Berry. »

Une reconnaissance bien au-delà du Berry

Aujourd’hui, l’Huilerie d’Auron est reconnue bien au-delà du Berry. Samuel et Ondine sont membres du prestigieux Collège Culinaire de France, un label qui valorise les artisans de confiance plébiscités par les chefs et restaurateurs du pays entier. « On travaille avec ce que la nature nous donne, en sachant que rien n’est jamais acquis. On avance avec prudence, passion et rigueur », confie Ondine.

Chaque année, près de 100 000 unités d’huiles artisanales sont écoulées, réparties pour moitié en vente directe (en boutique ou via leur site internet) et pour moitié via des revendeurs locaux. Les huiles de noix et de noisette de l’Huilerie d’Auron trouvent ainsi leur place aussi bien dans les épiceries fines de producteurs locaux que dans les rayons de supermarchés et les cuisines de grands chefs.

Mais au fond, ce qui fait la véritable magie du lieu, ce n’est pas seulement la qualité de l’huile. C’est le temps suspendu que l’on partage : un moment d’attente, un café improvisé, une histoire racontée au bord du pressoir. « On ne vient pas juste acheter une huile artisanale. On vient faire un bout de chemin avec nous », résume Ondine. Dans un monde qui va toujours plus vite, l’Huilerie d’Auron nous offre une parenthèse rare : un lieu où l’on prend le temps de presser noix et noisettes. Et de presser le bouton « pause », aussi.

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